21. Les préposés à ce sacrifice impie, depuis longtemps liés avec Eléazar, le prirent à part et l'engagèrent à faire apporter des viandes dont il était permis de faire usage et préparées par lui, et à feindre de manger des chairs de la victime, comme le roi l'avait ordonné,
22. afin que, cela fait, il fût préservé de la mort et profitât de cette humanité due à sa vieille amitié pour eux.
23. Mais lui, faisant de sages réflexions, dignes de son âge, de la haute considération que lui donnait sa vieillesse et les nobles cheveux blancs qui s'y ajoutaient, de la vie très belle qu'il avait menée depuis l'enfance, et surtout de la législation sainte établie par Dieu même, il répondit en conséquence, disant qu'on l'envoyât sans tarder au séjour des morts.
24. "A notre âge, en effet, il ne convient pas de feindre; de peur que beaucoup de jeunes gens ne soupçonnent Eléazar d'avoir, à quatre-vingt-dix ans, embrassé des moeurs étrangères.
25. Eux-mêmes, alors, à cause de ma dissimulation, et pour un reste de vie périssable, seraient égarés par moi, et j'attirerais sur ma vieillesse la honte et l'opprobre.
26. Et quand j'échapperais pour le présent au châtiment des hommes, je n'éviterais pas, vivant ou mort, les mains du Tout-Puissant.
27. C'est pourquoi, si maintenant je quitte cette vie avec courage, du moins je me montrerai digne de ma vieillesse,
28. et je laisserai aux jeunes gens le noble exemple d'une mort volontaire et généreuse pour les vénérables et saintes lois." Ayant ainsi parlé, il marcha droit vers l'instrument du supplice.
29. Ceux qui l'y conduisaient changèrent en dureté la bienveillance qu'ils lui avaient montrée un moment auparavant, regardant comme insensées les paroles qu'il venait de prononcer.
30. Lorsqu'il fut près de mourir sous les coups, il poussa un soupir et dit: "Le Seigneur qui a la science sainte voit que, pouvant échapper à la mort, j'endure sous les bâtons des douleurs cruelles selon la chair, mais qu'en mon âme je les souffre avec joie, par respect pour lui."
31. C'est ainsi qu'il quitta la vie, faisant de sa mort, non seulement pour la jeunesse, mais pour tout le peuple, un exemple de courage et un mémorial de vertu.